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Stella Tennant, la noble nonchalance - Next

Stella Tennant avait une ambivalence dans l’allure qui lui permettait d’incarner des figures aux antipodes : l’aristocrate au port souverain, hérité de ses racines britanniques, l’androgyne à la lisière du transgressif, la désinvolte capable de vous saisir en un regard bleu glacial. Cette multiplicité auréolée de silence et de mystère lui avait permis de survoler le jeu de la mode, avec une poignée d’autres modèles, pendant de nombreuses années. La mannequin Stella Tennant est morte mardi 22 décembre, à l’âge de 50 ans, a annoncé sa famille dans un communiqué, sans préciser les causes de son décès. Elle était mère de quatre enfants et, selon la presse britannique, venait de se séparer de son mari français.

Elevée au grand air, dans la campagne écossaise, «Stella» était issue d’une longue lignée de nobles britanniques qui a fait d’elle une personnalité très identifiée par les sujets du royaume malgré sa discrétion. Petite-fille de la duchesse du Devonshire, petite-nièce de l’auteure Nancy Mitford, cousine éloignée de Diana Spencer, elle est d’abord été recalée pour cause de physique trop particulier, incasable.

Virage international

Lorsqu’elle apparaît sur les podiums, en 1994, après avoir été repérée par le photographe Steven Meisel, elle tranche avec les beautés alors en vogue. Sa minceur, son regard, ses cheveux courts, son élégance la rapproche plus d’une Tilda Swinton, écossaise comme elle, que des tops de l’époque, plantureuses et sexuées. Elle se fait pourtant une place non loin des femmes les plus photographiées des années 90, telles Linda Evangelista, Naomi Campbell, Cindy Crawford ou Christy Turlington.

La mannequin Stella Tennant sous l&squot;œil du photographe Tim Walker dans la série "Satin Knight".La mannequin Stella Tennant sous l’œil du photographe Tim Walker dans la série «Satin Knight». Photo Tim Walker. Picture-alliance. DPA

Parmi ses collaborations les plus notables, on garde en tête celles réalisées avec Paolo Roversi ou pour le créateur japonais Yohji Yamamoto, par le photographe David Sims, sous la houlette du directeur artistique Marc Ascoli. En 1996, sa carrière prend un virage international lorsqu’elle signe un contrat d’exclusivité avec la maison Chanel, devenant la nouvelle égérie de Karl Lagerfeld qui tourne avec elle la page de l’ère Claudia Schiffer. Elle fera scandale lors d’un défilé où Lagerfeld l’habille d’un minuscule bikini muni de pastilles marquées d’un double C qui fera date.

Mandatory Credit: Photo By Steve Wood / Rex Features STELLA TENNANT WEARING CHANEL PARIS FASHION WEEK , SPRING SUMMER 1996, FRANCE - 1995 CATWALK MODELLING BIKINI BLACK LOGO THIN SKINNY RIBCAGE /REX_COM604387_249864as//0608211747Photo Steve Wood. Rex Features. Sipa

Olivier Saillard, à la tête de la création de la marque J.M. Weston et historien de la mode, retient «cette façon qu’elle avait d’entretenir le silence dans ce vacarme de la mode et du showbiz», nous dit-il. «Elle traversait les époques l’air de rien, avec des rebonds de carrière et beaucoup de grâce.» Stella Tennant était en effet revenue sur les podiums la quarantaine largement passée, défilant pour Demna Gvasalia dès son arrivée chez Balenciaga. En 2015, dans Marie-Claire, elle se réjouissait d’œuvrer sur la longueur : «J’ai de la chance, car nous sommes aujourd’hui bien moins obsédés par l’âge que nous l’avons été. Regardez Joan Didion. Regardez Karl [Lagerfeld, ndlr], il est totalement pertinent dans tout ce qu’il entreprend. La vogue du jeunisme reflue, et je trouve ça plutôt sain.»

«Elle a apporté une autre vision de la femme qui faisait du bien. Son visage avait ensuite pris des traits réconfortants dans le fait de prendre de l’âge, ajoute Olivier Saillard. A 50 ans, elle était toujours capable de traverser des univers iconographiques très différents sans forcément occuper le terrain. Elle était pourtant toujours là.» Et c’est cette nonchalance, à la fois ultramoderne et nostalgique, qu’on conservera de Stella.


British model Stella Tennant walks with designer Karl Lagerfeld during the Metiers D'Art Show for Chanel fashion house in Paris December 6, 2011. The show, which exists since 2003, is an homage to Chanel workshops. REUTERS/Benoit Tessier (FRANCE - Tags: FASHION ENTERTAINMENT) - PM1E7C61GQF01
Stella Tennant et le couturier Karl Lagerfeld à Paris, le 6 décembre 2011. Photo Benoît Tessier. Reuters

Marie Ottavi

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