« Mon objectif est de trouver un travail fixe et qui me plaît, où je vois ma vie dedans, et sans avoir un patron qui nous engueule à longueur de journée. » Tiffany a 19 ans et bénéficie de la « garantie jeunes », dispositif d’aide de l’Etat pour les personnes entre 16 et 25 ans. Les critères d’entrée de ce dispositif ont été assouplis en février, tant les difficultés se sont multipliées, avec la crise sanitaire liée au coronavirus, pour les jeunes qui cherchaient à s’insérer dans le monde professionnel en 2020. Dans le Bas-Rhin, département où a été tourné le documentaire d’Ilan Teboul pour LCP-Assemblée nationale, le chômage des moins de 25 ans (en catégorie A) a augmenté de 10 % sur 2020 selon les chiffres de Pôle emploi et de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).
L’épidémie de Covid-19 a été particulièrement virulente dans cette région enclavée, et a compliqué le tournage, entre les confinements successifs et l’impossibilité de filmer, comme prévu au départ, dans des lieux privés. « C’est l’aventure du documentaire, l’humilité qu’il faut avoir face au réel », raconte Ilan Teboul. Il est tout de même allé au bout de son projet de « rendre visibles » ces jeunes ruraux isolés qui « peinent à rêver » tant ils sont déconsidérés, mais ils « font tout aussi partie du récit national », comme le laisse entendre le titre.
Le réalisateur, qui tourna, en 2014, Les Dames de chœur, une série remarquée de portraits croisés de femmes retraitées du Val-de-Marne, s’est rendu cette fois en Alsace pour suivre le parcours d’une dizaine de « décrocheurs » – ils sont près de 500 000 chaque année en France. Il a posé ses caméras à la mission locale de Molsheim, en amont de la vallée ouvrière de la Bruche, à une demi-heure de route de Strasbourg. Plusieurs dizaines de jeunes y reçoivent un accompagnement intensif à la recherche d’emploi.
Croire en soi
Des adolescents dont le réalisateur capte, sans narration en voix off, le cheminement émouvant vers l’âge adulte. Ils ont tous entre 17 et 20 ans et déjà des trajectoires abîmées par les échecs scolaires, des conflits familiaux, parfois des violences sexuelles. Quand ils débarquent à la mission locale de Molsheim, certains n’ont pas quitté leur chambre depuis plus d’un an et ne fréquentent que leur famille au quotidien. Réussir rime avec partir, en quelque sorte. Mais ce premier départ relève déjà de l’expédition : sans permis, l’une doit prendre trois bus, une autre se lève aux aurores et finit sa nuit dans la voiture de sa belle-mère…
Rompre l’inertie, c’est aussi accepter de se dévoiler dans les ateliers collectifs de la mission locale, oser déranger, dépasser la honte que l’on tire de sa précarité ou des violences que l’on subit. Croire en soi, tout simplement. « Quand je voulais partir en études de photographe et que ma prof de maths m’a dit que jamais je ne pourrais y arriver avec ma moyenne et que je devrais faire un bac pro commerce à la place, je l’ai écouté. Et je regrette », dit Sandra, en atelier collectif de théâtre. « Je sais que je débite un nombre de conneries astronomiques », lâche Dorian, 17 ans.
Mobilité, exclusion, rupture avec le monde du travail, le réalisateur montre autant les impasses de certains rapports de domination des adultes envers les jeunes que le trajet pudique de ceux-ci vers les autres pour refaire société et prendre plus sereinement leur indépendance. Un élan fragile que la pandémie rend encore plus fragile.
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