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Marc-Antoine Coulon : "Le jour où Annie Cordy m'adopte dans sa famille" - Paris Match

En novembre 1994, j’ai 20 ans, mon père est atteint d’un cancer généralisé et je suis désespéré. C’est alors que je rencontre cette showgirl pour qui j’ai eu un coup de foudre quand j’étais petit. Elle m’ouvre les bras. Le début d’un amour platonique, vingt-six ans de bonheur

A Noisy-le-Grand où nous vivons, mon père déprime et souffre terriblement. Ses jours sont comptés. Nous nous efforçons de le soutenir, ma mère, Olivier, mon frère jumeau, et moi. Solitaire, perdu, mal dans ma peau, je rêve de rencontrer Annie Cordy dont je suis tombé éperdument amoureux depuis que je l’ai vue à la télé à l’âge de 4 ans.

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Ce 18 août 1978, je jouais avec mon frère quand j’ai regardé cette blonde aux longues jambes bronzées, entourée de boys, avec une robe rose interminable, qui chantait « Hello Dolly » dans « Musique en tête ». J’ai décidé que c’était la plus belle femme du monde, que je serais plus tard son dessinateur. Un soir de cafard, Olivier et moi nous nous rendons à la sortie de « Casino parade » à RTL où Annie est invitée. Toujours aussi belle et aussi chaleureuse. Je lui dis toute l’admiration que j’ai pour elle. Pendant deux ans, nous allons nous apprivoiser. Elle me charge de dessiner la pochette de son album « Annie Cordy chante Broadway ».

« Au moment où je dessine quelqu’un, il devient la personne que j’aime le plus au monde. Avec un minimum d’eff ets, j’essaie de donner vie à un regard, de restituer ce qui est unique chez mon modèle. »

Le 5 mai 1996, mon père meurt. En plein deuil, notre famille paternelle nous abandonne. Exclus du clan, nous sommes obligés de faire face au manque d’argent. Une épreuve, presque une trahison, qui m’accable et m’oblige à m’inscrire à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) pour devenir enseignant. Peu après, je confie mon chagrin à Annie qui me serre dans ses bras. Dès lors, tels ses fi ls adoptifs, elle nous invite chez elle, rue du Charolais dans le XIIe arrondissement à Paris. L’été à Cannes, elle nous ouvre sa famille de cœur et n’oublie jamais nos anniversaires. Je l’accompagne en tournée, elle me charge d’aller chercher, avec sa nièce Mimi, ses deux chiots, Fleecy et Fluffy, dans un refuge. C’est elle qui m’offre mon premier appareil photo. Tout en exerçant mon métier d’instit, je deviens son photographe attitré.

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Alors que je doute de moi, elle me considère comme un artiste, m’aiguillonne, me façonne, ne cesse de me faire des remarques, m’apprend à articuler, à respirer, à me tenir, à m’habiller. Parfois pince-sans-rire, elle se montre protectrice avec mon frère, sévère et exigeante avec moi, même si elle m’appelle « mon petit poussin ». Pourtant, elle aime que je lui résiste ! Au cours des séances photo, dès qu’elle se sent désirable c’est un festival ! Annie a besoin d’être prise en main, pour s’abandonner sous mon regard d’éternel « amoureux ». Là, elle donne la quintessence de sa féminité. Cette femme pudique se révèle possessive : il faut que je n’aime qu’elle ! Elle me le rend au centuple. A cause du Covid, je n’ai pas pu la revoir avant sa mort. Elle était tout pour moi. [Il pleure.] Elle m’a sauvé, m’a fait. Quand je dessine, j’entends sa voix : « Applique-toi. »

Peintre-illustrateur réputé, il travaille pour les grands noms de la mode, de la presse française et internationale(« Harper’s Bazaar » en Allemagne, « Vogue », « Madame Figaro »). A sa manière, il contribue au retour de l’illustration dans le monde de l’image. Après un livre sur Paris (éd. Flammarion) en septembre 2019, il collabore avec Renaud Pellegrino à la création d’une petite collection de Minaudière à l’effi gie des stars qui lui sont fi dèles : Jane Fonda, Anouk Aimée, Fanny Ardant, Charlize Theron…

« J’ai une maison sur l’île de Procida dans le golfe de Naples. Là-bas, je vis pieds nus, je peaufine une grande fresque murale et je déguste des glaces au Nutella sur le port. D’ailleurs, quand je dessine, il me faut de la musique italienne : Mina, Ornella Vanoni, Gino Paoli. »

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