Alors qu'un biopic sort ce vendredi sur Netflix, BFMTV.com revient sur la débâcle judiciaire de Madame Claude, la célèbre proxénète que le Tout-Paris s'arracha dans les années 1960.
Son mythe est né dans un palace du 8e arrondissement de Paris, avant de s’échouer entre les murs d’une cellule miteuse de Fleury-Mérogis. Madame Claude, la célèbre proxénète que le Tout-Paris s'arrachait dans les années 1960, fait l’objet d’un nouveau biopic diffusé ce vendredi sur Netflix.
De son vraie nom Fernande Grudet, elle s’est construite au fil du temps l’image d’une femme d’affaires de poigne, se prévalant, en prostituant les femmes les plus distinguées de la capitale, de "rendre le vice joli". Derrière ce tableau se cache une mère-maquerelle qui passa 20 ans de sa vie à se débattre dans de multiples déboires judiciaires. Ces épreuves ont précipité sa chute, avant de mourir dans l’anonymat, en 2015.
La bénédiction de l’État
La petite entreprise de Madame Claude bénéficia longtemps de "la bénédiction de l'État", reconnu-t-elle dans une interview accordée au magazine Lui. Entre 1957 et le début des années 1970, la proxénète se crée un petit empire caché sous le sceau du secret. Dans son appartement du 18 de la rue Marignan, à deux pas des Champs-Elysées, elle met en relation ses "filles" à un important carnet d’adresses, rassemblant grands patrons, stars du cinéma, hauts fonctionnaires et chefs d’État étrangers. Le shah d’Iran, Kadhafi ou John F. Kennedy figurent parmi ses clients, qu’elle se refuse à nommer comme tel, préférant le terme "d’amis." Son commerce prospère en toute tranquillité grâce à la protection des autorités. Celles-ci ferment les yeux en échange du partage de renseignements tirés sur l'oreiller.
"Des notes sur lesquelles figuraient les travers des messieurs étaient remontées, via le préfet à la destination prévue: le ministre de l’Intérieur", raconte Claude Paul, ancien inspecteur à la Mondaine dans l’émission "Madame Claude, sexe, mensonges et secrets d'État."
En invitant des personnalités étrangères dans sa maison close clandestine, Fernande Grudet récolte des informations sensibles et devient, sous le pseudonyme "Violette", espionne pour les services secrets extérieurs.
Entre 760 et 1100€ la passe
Mais l’impunité ne dure qu’un temps. Au début des années 1970, le vent tourne pour "la maquerelle de la République", qui ne semble plus aussi indispensable au sommet de l’État. "Elle était protégée et puis elle a été lâchée", observait dans l’émission l’un de ses anciens avocats, Me Bruno Simonetta, décédé depuis.
En mai 1972, les services des douanes perquisitionnent son appartement parisien et repartent avec ses précieux carnet d’adresses et de rendez-vous, une véritable mine d’or. Pas moins de 515 rencontres, 255 nuits et une soixantaine de voyages avec ses prostituées y sont notifiés. Madame Claude ponctionne 25% à 30% des gains de ses filles, dont les passes s’élèvent à 5000 et 7000 francs, soit entre 760 et 1100 euros, rapporte l’ancienne cheffe de la police judiciaire parisienne Martine Monteil au site d’information Les Jours.
Les enquêteurs font le calcul et la facture est salée: la proxénète doit à l’État 11 millions de francs, soit 1,7 million d’euros. Avec son train de vie fastueux, Madame Claude ne peut payer une telle somme et est condamnée en octobre 1976 à 10 mois de prison avec sursis, ainsi qu’une amende du montant de sa dette.
Le réveillon en prison… avec du saumon
Et l’arrivée de Valéry Giscard d'Estaing au pouvoir n’arrange pas ses affaires. Le nouveau locataire de l’Élysée, flanqué de son inflexible ministre de l’Intérieur Michel Poniatowski, ne prête guère d’intérêt aux secrets d’alcôve de la proxénète. Elle s’échappe en Californie pour éviter le fisc français et se félicite depuis les États-Unis d’avoir "exercé de façon bourgeoise un métier jusqu’alors réservé aux putes."
Elle rentre en catimini en France en 1985 et se réfugie dans sa bergerie de Carjac, dans le Lot, où elle est arrêtée au 31 décembre. Madame Claude passe le réveillon et les quatre premiers mois de l’année en prison, mais bénéficie d’un traitement de faveur:
"Si elle voulait avoir du saumon au déjeuner, elle passait sa commande et la directrice de la prison allait dans le magasin du coin lui apporter du saumon", se remémorait son ancien avocat.
Vendre "du rêve"
La sulfureuse proxénète disparaît ensuite des radars puis reprend du service au début des années 1990. Elle embauche alors une dizaine de filles en plein cœur de Paris, dans le Marais. Interpellée et placée en garde à vue en mars 1992, Madame Claude continue de nier le proxénétisme, estimant qu’elle ne fait que vendre "du rêve."
Elle est placée en détention provisoire dans l’une des pires prisons de France: la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Pour celle qui a connu les banquettes du Crazy Horse ou du Fouquet's, la détention est un moment particulièrement difficile. Fernande Grudet est isolée, loin de ses réseaux mondains de l’époque.
À l’âge de 69 ans, elle comparaît pour la première fois pour proxénétisme aggravé, en septembre 1992. Les chroniqueurs judiciaires la décrivent comme hautaine face aux magistrats, mais la maquerelle perd vite de sa superbe lorsque d'anciennes prostituées racontent l'emprise dont elles étaient victimes.
Madame Claude est finalement condamnée à trois ans de prison, dont 30 mois avec sursis et un million de francs d’amende. Elle échappe à un retour en prison, ayant déjà purgé sa peine en provisoire. La proxénète s’extirpe du tribunal sous une nuée de caméras, le visage baissé, la main agrippée à la robe de son avocat Me Francis Szpiner. "Il ne me reste presque plus rien. J’ai de quoi acheter mon pain, mon lait, et prendre le métro", clame-t-elle aux journalistes.
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